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26/08/2016

Où sont les lumières du pays ?

les tisserands.jpgLe Conseil d’Etat du pays des lumières a rendu son avis…par définition éclairé. Mais nul doute que cet avis rendu, les différents camps vont revenir à la charge. Vous aurez remarqué que les camps dont on parle n’ont plus rien à voir avec les « écuries présidentielles » et l’échelle binaire droite/gauche. Le gouvernement est divisé, les républicains sont divisés, les socialistes sont divisés, les démocrates sont divisés. Tous sont divisés par le sens à donner à la laïcité ? D’aucuns appellent à inscrire dans la loi un nouveau code de la laïcité, les mêmes qui savent dénoncer l’inflation législative et réglementaire en France.

Cette inflation verbale et les débordements en tous genres d’élus, aux allures plus vertueuses les unes que les autres, à l’approche d’une élection présidentielle à hauts risques, semblent susciter une vague d’incompréhension sans précédent, un peu en France mais beaucoup dans le monde. De passage à Paris ce 25 août, le nouveau maire de Londres ne mâche pas ses mots : « Je ne dis pas que nous sommes encore parfaits, mais l'une des grandes sources de fierté et de satisfaction de Londres, c’est que nous ne tolérons pas simplement la différence, nous la respectons, nous l’embrassons et nous la célébrons ». Délit d’enthousiasme pour Sadiq Kan ?

Tout se passe en réalité comme si nous assistions dans les faits à une forme d’appropriation par le monde de notre concept propre de laïcité, suscitant incompréhension. En tous cas, notre laïcité française est malmenée et mal-comprise. Karim Jbeili a écrit dans l’Orient-le-Jour le 8 août dernier, juste après le meurtre du Père Hamel, que c’est « Ni plus ni moins qu’une « laïcité fanatique » qui prédominerait actuellement dans le monde francophone, en accumulant les vexations contre les non-conformes et peut provoquer des poussées de sadisme vengeur ».

Qu’avons-nous raté de profond pour en être arrivé là ? Lors de la 83ème session des Semaines sociales de France à Lyon en 2008, Jean-Paul Willaime avait plaidé pour une « laïcité de reconnaissance et de dialogue » soulignant qu’il ne fallait se tromper d'époque : « En ce début du XXIe siècle, les reconfigurations du religieux et du politique imposent en Europe une pratique de la laïcité ouverte aux apports des religions dans la vie sociale. Le renoncement des religions au pouvoir politique et le renoncement des politiques au pouvoir spirituel permettent la mise en œuvre d'une laïcité de reconnaissance et de dialogue ». Est-ce faute d’y avoir vraiment pensé et travaillé que nous en sommes arrivés dans les tréfonds des caricatures et amalgames dangereux ?

Lors de la même session de 2008 consacrée au rôle et à la place des religions dans la société, Mustafa Chérif soulignait qu’il «  fallait sortir du préjugé que la religion réprime et limite la femme et la modernité libère et épanouit. Dans les deux cas, cela dépend de l'interprétation et de la cohérence que l'on donne à nos actes et relations. Soyons humbles devant ce mystère de la différence ». Une chose est certaine à ce stade : il faudra plus que des discours pour refonder le pacte Républicain. Oui car c’est de cela dont il s’agit. Et pour affronter cette tâche-là, il faudra davantage de tisserands au sens où Abdennour Bidar en parle si justement. Pour réparer le grand tissu déchiré du monde. « Au cœur même de notre époque désenchantée, ces tisserands préparent ainsi le réenchantement. Car leur tissage patient, souvent modeste, toujours vital, propose enfin quelque chose comme le projet de civilisation que nous attendons tous. En effet, ce qu’ils font n’est pas seulement neuf mais très puissant, très universel, parce qu’il répond au besoin de sens et à un humanisme partageable et sans frontières qui est au cœur de notre époque ».

Denis Vinckier

Président des Semaines sociales Nord-Pas-de-Calais et membre du conseil des Semaines sociales de France

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