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09/03/2014

Précarité et démocratie…un thème à ne jamais lâcher !

Les Semaines Sociales de France avaient consacré la session annuelle 2012 à la démocratie. Notre idée est de poursuivre le travail sur cette question en regardant comment la précarité fragilise la démocratie. Première étape d’un travail de plus longue haleine…

Pour avancer sur le sujet, un terrain d’expression a été trouvé. Tourcoing avec ses difficultés sociales mais aussi un tissu très riche d’associations qui luttent contre la précarité grandissante. Tous ces acteurs ont été réunis le 16 janvier au Centre Pastoral St Benoit pour croiser les regards, les constats, les appréhensions aussi. Les chevilles ouvrières de cette première rencontre : le Père Samain, prêtre de la paroisse, Bernard Delebecque et Patrick Delnatte, tous deux anciens élus de la ville. Pour les trois, une envie de sensibiliser les chrétiens à l’approche des élections communales.

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Sur la base de ce premier constat, une seconde soirée a réuni les mêmes acteurs et deux témoins complémentaires : Nicolas Ketelers, délégué diocésain du Secours Catholique et François Mabille, enseignant-chercheur à l’Université Catholique de Lille.

 

Le premier qui coordonne 44 lieux de présence sur le diocèse fédérant 850 bénévoles en lien avec 30.000 personnes rencontrées avec un revenu moyen mensuel est de 400 € (dont 27% sans logement stable et 49% avec des impayés, moins de 10% en situation de travail et seulement 1% en contrats aidés), confirme une augmentation de +25% des demandes de secours dans le cadre d’une crise qui dure, le poids des familles monoparentales, la précarité des jeunes. Dans la région, une personne sur cinq est tout simplement concernée par la pauvreté monétaire. Malgré tous les dispositifs de protection, le délitement est de plus en plus prononcé. Un peu comme si les institutions s’éloignaient des bénéficiaires. L’INSEE confirme année après année que les revenus des plus pauvres ont baissé. Et les Français sont bien conscients que les inégalités s’accroissent. Pour Nicolas Ketelers, dans la dynamique de Diaconia, il faut changer le regard sur les personnes en précarité.

 

526x297-CNh.jpgFrançois Mabille, de son côté n’est pas étonné par ce constat négatif. Le chercheur rappelle que nous vivons dans une république démocratique et sociale, ce qui implique que la démocratie ce n’est pas uniquement le vote mais aussi et avant tout l’égalité des droits. Dans un autre contexte, ce sont des difficultés sociales similaires qui avaient amené il y a plus d’un siècle l’émergence des catholiques…sociaux…pour appréhender de dures réalités sociales.

Comment les précaires se situent-ils par rapport aux enjeux politiques ? La France compte aujourd’hui 5 millions de mal logés et 1 million de personnes qui ont froid. 300 millions de repas sont servis chaque année et de plus en plus toute l’année. La pauvreté est un état rappelle François Mabille. 16% de la population européenne vit en dessous du seuil de pauvreté. La précarité est une incertitude, un risque. Les dispositions d’écoute et d’accueil sont essentielles. Le lien social consiste à participer. Comment le faire avec des chiffres là ? On a davantage affaire à des personnes désocialisées qui survivent…

François Mabille confirme les propos de Nicolas Ketelers sur les inégalités en hausse, constat qui s’installe alors même que tous les revenus ne baissent pas. L’accroissement est également tangible au niveau de l’insertion et de l’éducation. Les deux inégalités les plus stables si l’on peut dire, concernent la santé et les écarts de salaires.

S’agissant de la précarité, chaque pays a sa définition ou presque. L’approche française est davantage ancrée dans l’histoire de l’état providence. Pour le Père Wresinski, elle consiste en l’addition de plusieurs insécurités. Au Québec, un précaire est privé de ressources, en perte d’autonomie avec atteinte à son intégrité physique. Dans certaines cultures (américaine, suédoise), c’est une forme de partenariat public/privé qui vient garantir le lien social.

Partant de là et si on revient en France, si je j’ai aucune sécurité, aucun acquis, que transmettre à mes enfants ? Pour voter, il faut avoir l’idée d’une utilité quelconque.

S’agissant des élections à proprement parler, au-delà du seuil de 10% d’abstention systématique, il y a ceux qui sortent momentanément et un seuil incompressible qui renvoie à la précarité et à la pauvreté. Les personnes trouvent deux types de protection : l’abstention ou le vote protestataire. Les partis politiques semblent avoir abandonné la dimension de création du lien social.

Du coup les précaires se mobilisent…et leurs mobilisations sont précaires. Parler de ou écouter les précaires ce n’est pas du tout pareil argumente François Mabille. Qui observe parfaitement que le lien social est bouleversé par la précarité…qui est un déni de la citoyenneté. Elle supprime in fine les identités citoyennes. Alain Touraine évoque dans un ouvrage récent la fin de la société ? Pour François Mabille, nos précaires d’aujourd’hui sont comme les ouvriers d’hier. A la recherche d’un soutien et d’un sursaut politique. Qui ne semble pas venir.

Dans le débat, suite à une interpellation sur le fait que ce n’est pas en supprimant les riches que l’on va supprimer les pauvres, Nicolas Ketelers revient sur la nécessaire conversion des regards et l’enjeu consistant à ne pas nier le bénéfice social d’une population. Il évoque les personnes accompagnées à ATD où l’on arrive à redonner du sens collectif. François Mabille souligne l’importance de ces dynamiques où les personnes peuvent parler en leur nom. Un peu comme l’intuition du CCFD où les acteurs ne sont pas là pour parler au nom du sud mais pour s’associer avec des gens qui dans le sud vont parler.

politique%20et%20démocratie.jpgEn conclusion de cette seconde soirée, le Père Samain pouvait brandir le dernier ouvrage de Jean-Luc Deroo et Maxime Leroy intitulé Politique et démocratie, pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire. Et aussi rebondir sur Diaconia pour continuer de donner la parole : personne n’est en effet trop pauvre pour n’avoir rien à partager.

 Si la démocratie est notre bien commun à tous car vivre en société est un bien, alors il y a du boulot ! Ces deux soirées ont mis en évidence l’importance de l’observation des réalités sociales pour en comprendre les ressorts profonds. Elles ont pointé du doigt une forme d’attentisme voire d’inefficacité dans la prise en compte politique de ces phénomènes de précarité et de pauvreté qui minent la démocratie…alors même que normalement notre république est démocratique, sociale et solidaire. Ce le redire est une chose mais cela ne suffira pas. François Mabille a rappelé le rôle et l’émergence des catholiques…sociaux il y a plus d’un siècle.

 

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