Où sont les véritables enjeux des élections européennes ?
09/03/2014
Julien Navarro, enseignant-chercheur et directeur d'ESPOL, qui a fait sa thèse de doctorat sur les députés européens, est venu à Fournes-en-Weppes le 4 février 2014, pour analyser les choses et non pour dire comment elles devraient être. Une posture normale pour un chercheur.
A l’approche des élections européennes de 2014, Débats en Weppes avait réussi à mobiliser une centaine de personnes sur un thème vaste…sur lequel on devrait être bien informé. Mais ce n’est pas le cas, souligne le conférencier alors qu’avec 503 millions d’habitants, on évoque quand même la plus grande élection démocratique transnationale au monde.
Certes, on se focalise sur la question des candidats mais ce qui compte ce sont les enjeux. Et pour mieux les appréhender, Julien Navarro pense qu’il faut revenir sur les logiques des institutions. Pour qu’il n’y ait aucun malentendu, il rappelle que le parlement européen n’est pas la seule organisation existante. Le Conseil de l’Europe où l’on retrouve la Russie et la Turquie…a son siège à Strasbourg.
Pour autant, l’Union Européenne compte aujourd’hui 28 états-membres dont le plus récent est la Croatie. Julien Navarro souligne qu’on lit l’Europe comme l’extension de nos problèmes nationaux, pourtant ce n’est pas le cas…L’Union compte 24 langues officielles, des écarts de richesse (Un luxembourgeois est 5 fois plus riche qu’un bulgare). La devise de l’UE reste…l’union dans la diversité.
C’est que la raison d’être initiale de l’UE est….politique. Etablir un espace de paix, c’était un objectif politique qui a débouché sur une complexité. L’Europe fruit d’une histoire et de mises en commun successives : moyens de la guerre d’abord, puis l'agriculture, ensuite la sécurité et la monnaie. C’est là toute la logique de l’intégration européenne qui est à l’œuvre. Mais comment se mettre d’accord dans un cadre aussi complexe?
Julien Navarro explicite 3 logiques. La logique technocratique ou juridique qui met en évidence le fait que pour se mettre d’accord sans se refaire la guerre, il faut faire appel à des experts. Cette première logique au sens politique a été tempérée par une logique intergouvernementale, à savoir que les états représentés participent à la prise de décision (Conseil de l’Union, Conseil Européen des chefs d’Etat et de gouvernement). La 3ème logique est majoritaire et plus partisane. Depuis 1979, les députés européens sont élus au suffrage universel. Certains sont tentés par la logique majoritaire qui seule permettrait la démocratie…
Pour le chercheur, aujourd’hui, nous sommes face à une combinaison des 3 logiques qui amène des prises de décision assez complexes. A la Commission un pouvoir d’initiative et au Parlement et au Conseil un pouvoir de co-décision. Ici Julien Navarro rappelle que l’Union n’est pas un Etat en plus grand. Le principe majeur de l’Union reste un principe d’attribution : les lois ne peuvent intervenir que dans la mesure où la charge en a été donnée. Par des traités par exemple dont la mission est de définir de manière précise la feuille de route aux institutions.
Ce qui a une conséquence au niveau des enjeux des élections européennes : les enjeux de cette élection, ce sont bien ceux des compétences de l’Union et du Parlement, compétences essentiellement d’ordre économique. Et l’enseignant de se faire pédagogue : pour envoyer un message politique à l’Europe, il faut le faire au moment des élections…nationales. Les élections européennes ont de leur côté des enjeux forts…au regard de compétences bien établies.
Le Parlement a des compétences fortes, est co-décisionnaire sur le budget, le commerce international, la protection des consommateurs. Ce sont toutes ces compétences qui portent des enjeux. Et Julien Navarro d’en citer quelques-uns : la réforme du système bancaire et des banques de dépôt, comment se positionnent les partis ? Le partenariat transatlantique et la mise en place d’une zone de libre-échange avec l’UE…derrière il y a des questions essentielles sur les règles de production. Comment se positionnent les partis ? Et puis toutes les questions liées à la protection des consommateurs.
Voilà très concrètement ce sur quoi vont devoir se prononcer demain les nouveaux députés européens. Pour les citoyens, il s’agit donc de ne pas se tromper d’élection et pour les candidats de ne pas se tromper de parlement.
Le débat avec la salle pouvait partir sur de bonnes bases. Julien Navarro devait ainsi répondre que dans la logique actuelle, un salaire minimum européen, les états n’en veulent pas. Et puis s’il devait y en avoir un, il serait différent de celui que nous avons en France actuellement. L’interpellation de Jacques Delors en 1992 sur l’urgence de s’occuper de l’Europe sociale reste d’une criante actualité.
Allez, à vos enjeux européens ! Le message s’adresse autant aux citoyens qu’aux candidats !
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