Tribune parue dans Croix du Nord
28/11/2013
Le défi de la fabrique sociale
En prenant, en avril dernier, la responsabilité de la présidence des Semaines Sociales en Nord-Pas-de-Calais, avec une équipe où se mêlent à la fois expériences et envies nouvelles, j’avais en tête le défi que nous devons continuer de relever : être au rendez-vous de la question sociale en mobilisant des hommes et des femmes de notre temps dans la durée.
La question sociale, c’est toute la tradition de travail des Semaines Sociales de France. La durée, c’est la condition pour que les solutions soient nourries et discutées d’une manière sérieuse. Le temps reviendra pour que des hommes et des femmes, formés et encouragés, prennent de nouvelles responsabilités. Car ce qui manque aujourd’hui cruellement dans le champ de la responsabilité politique, c’est bien cette capacité à former des militants pour gagner autre chose que des élections. La confiance perdue de nos concitoyens, c’est cela qu’il faut regagner. Pour la regagner, il faut adopter des postures nouvelles et courageuses.
Nous n’avons de ce point de vue rien inventé, c’était la matrice de nos prédécesseurs. Mais nous devons à la fois nous en souvenir et aussi adapter les méthodes. C’est tout le défi de la fabrique sociale.
C’est ce que nous avons tenté de faire de manière expérimentale avec le thème « Réinventer le travail » – thème de la 88ème session nationale - qui fait évidemment sens pour notre région. Interpellées par le sujet, les Semaines Sociales en Nord-Pas-de-Calais ont donc lancé en juin dernier un premier atelier. Pendant deux bonnes heures, les présents ont planché sur les évolutions constatées dans leur vie professionnelle d’une part, et dans leurs différents secteurs d’activité d’autre part.
Du côté des retraités, on s’est montré peu motivé à replonger dans une histoire pas toujours rose, alors que la vie présente, bien remplie en bénévolat de toute sorte, offre encore tant de joies et de rencontres. Le groupe des actifs a regardé du côté des frontières : entre vie professionnelle et vie privée, entre travail rémunéré et bénévole, entre solidarité et autonomie… Le triptyque projet du salarié, projet du patron et projet collectif de l’entreprise a suscité de nombreux témoignages personnels. Jusqu’où investir sa vie professionnelle ? Améliorer sans cesse les processus laisse-t-il encore une place à l’initiative, à l’épanouissement, à la relation avec les collègues ? Si autrefois, pénibilité et durée de la semaine rendaient souvent difficile la prise de recul par rapport aux conditions de travail, il semblerait bien que les nouvelles technologies de communication aient pris le relais aujourd’hui pour empêcher les salariés de décrocher…
Voilà sans doute une des raisons qui ont fait le succès de ce premier atelier, invitation à la prise de conscience par le dialogue. Cette pédagogie participative, donnant une large place à la parole de chacun, a rencontré l’intérêt et donné envie au groupe de poursuivre sa réflexion.
Le 16 octobre s’est donc tenu un deuxième atelier, toujours dans la grande salle de l’Accueil Marthe et Marie à Humanicité. Cette fois-ci, chacun était d’abord invité à s’interroger personnellement : « Quelle est la place du travail aujourd’hui dans ma vie ? »…. Entre activité contrainte mais utile à d’autres, corvée, moyen de structurer ou de gagner sa vie, occasion de réaliser son rêve ou lieu de fatigue, source de relations autant que de stress, les échanges ont mis en évidence la diversité extrême des parcours de vie. Cette manière un peu déstabilisante de faire connaissance les uns avec les autres, n’était en réalité qu’un tour d’échauffement, une mise en situation et une mise en confiance avant d’attaquer le cœur de l’ouvrage et de se plonger dans la doctrine sociale de l’Eglise, et ce qu’elle dit du travail. Cinq paragraphes extraits du Compendium ont été soumis à la curiosité puis à la sagacité des petits groupes, comme autant de propos pouvant faire écho aux situations d’aujourd’hui : le commandement du repos sabbatique, le travail comme obligation, le développement de la personne humaine favorisant la productivité, la création de corps intermédiaires permettant la participation, le chômage comme calamité sociale.
Les chantiers sont ouverts ! La session nationale qui se tient ces 22, 23 et 24 novembre, simultanément à Paris, Lyon et Strasbourg, fournira certainement de nouveaux éléments de réflexion. C’est la force des Semaines Sociales de France depuis 1904 que de concourir à cette effervescence pendant un long week-end. C’est pourquoi La Fabrique Sociale a déjà programmé un nouvel atelier mercredi 4 décembre à 18h30 à l’Accueil Marthe et Marie, largement ouvert à tous ceux qui voudraient y contribuer, pour partager les fruits de cette session.
Et puis, nous lancerons l’année 2014 qui sera pour les Semaines Sociales en Nord-Pas-de-Calais une année exceptionnelle. En effet, nous accueillerons les 21, 22 et 23 Novembre 2014 à l’Université Catholique de Lille la 89ème session sur le thème : « Nouvelles technologies, nouvelle anthropologie ».
Denis Vinckier, Président des Semaines Sociales Nord-Pas-de-Calais associées aux Semaines Sociales de France.
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